Dès son spectaculaire épisode pilote, Lost suscite la curiosité de millions de téléspectateurs à travers le Monde, devenant en un rien de temps une série événement et un rendez-vous attendu. Pourtant, très vite, la série surprend et soriente dans une direction où on ne lattendait pas. Alors quil aurait été facile dalimenter des épisodes avec de simples questions de survie, Lost choisit un tout autre registre et prend le parti décarter ces préoccupations bien trop futiles et matérielles pour quelque chose de plus complexe, de plus passionnant aussi. C'est ainsi que, dès le premier épisode, le "monstre" fait une entrée remarquée et remarquable. Le ton est donné : Lost ne sera pas une série comme les autres. Et effectivement, jamais une histoire naura été aussi riche. Mais puisque le scénario est complexe, il aura fallu une saison entière pour en poser les bases. Ainsi, la première saison aborde très peu les questions de survie en milieu hostile, pour mieux se concentrer sur la nécessité de survivre aux autres et surtout à soi-même. Les Disparus effectuent un véritable voyage initiatique à la recherche d'eux mêmes, au cour duquel ils vont devoir affronter et surmonter leurs démons intérieurs. L'île agit comme un miroir qui les mettrait subitement face à eux-mêmes, révélant par la même leurs fêlures et le crash apparaît finalement comme une chance pour eux de trouver une certaine paix intérieure. Car chacun des personnages a sa part d'ombre, son lot de secrets plus ou moins avouables. Perdus sur une île, les personnages ont une chance de découvrir qui ils sont vraiment. Et nous aussi par la même occasion, par le biais des flash-backs. Si le procédé n'est pas nouveau, sa récurrence et l'utilisation qui en est faite sont en revanche tout à fait novateurs. Les scénaristes ont effectivement élaboré pour chacun des personnages une démonstration implacable, presque scientifique, qui tend à expliquer leurs actes sur lîle. Chacune des saisons nous renseigne un peu plus sur leurs réelles natures. La première saison aura suffit pour que nous nous attachions suffisamment aux personnages au point de vouloir connaître la suite de leurs aventures, la preuve en est avec le condensé d'émotions suscité par la scène de l'embarquement (là où tout a commencé) qui clôt brillamment la saison. Mais ce final annonce surtout la couleur de la suite qui va reposer en grande partie sur la confrontation opposant Jack à Locke, le médecin au philosophe, la passion à la raison. Pour autant et malgré un final au suspens insoutenable, la deuxième saison savère décevante, puisquelle accuse dune sérieuse baisse de rythme. Louverture de la trappe, loin davoir apporté les réponses attendues par les fans, suscite au contraire davantage dinterrogations. Les téléspectateurs les moins patients sen arrachent les cheveux et, pour le plus grand bien de leur santé mentale tournent le dos à la série. Alors que le meilleur reste à venir... A chaque nouvelle saison, les scénaristes font preuve de leur talent en réussissant à intégrer de nouveaux personnages sans que cela ne porte atteinte à la cohésion de la série, qui se déroule pourtant sur une île déserte coupée du reste du monde ! La troisième saison ne fait pas exception à la règle, centrée sur les Autres, elle permet à la mythologie déjà fort riche de la série de prendre à nouveau de l'épaisseur. On apprend ainsi que Ben est à l'origine du meurtre des membres originaires du projet Dharma, ce qui lui a permis de prendre le contrôle de l'île pour des raisons qui demeurent obscures. Plus violente, les personnages y sont plus que jamais torturés, parfois au sens propre dailleurs. Le final de cette troisième saison reste à ce jour le plus grand coup de force des scénaristes. Comme à laccoutumée, il annonce de quoi sera faite la suite. Laissant d'abord croire aux téléspectateurs incrédules que Jack et Kate se connaissaient avant le crash, il apparaît assez vite que quelque chose ne colle pas et nous finissons par comprendre que ce que nous prenions pour des flash-backs sont en réalité des flash-forwards. A travers son schéma narratif, ce sont les bases même de la série qui sont remises en cause, et pourtant tout semble couler de source, la série suit sa dynamique. Les scénaristes réussissent ainsi brillamment à relancer lintérêt et prouvent par la même quils maîtrisent tout de leur histoire. Dans la quatrième saison, les révélations fusent et font leffet de véritables bombes. Benjamin Linus et ses yeux qui font peur sont une nouvelle fois au coeur de l'intrigue mais, une fois nest pas coutume, notre opinion à son égard évolue. C'est l'une des qualités de la série: rien n'est figé, tout évolue en permanence, à commencer par nos sentiments à l'égard des personnages qui sont particulièrement humains, c'est à dire ni foncièrement bion, ni foncièrement mauvais. En rejetant toute forme de manichéisme, Lost dépeint la vie comme une suite de choix à faire et de défis à relever. L'intrigue, cruelle, avance inévitablement vers son issue programmée, laissant entendre que seulement six des Disparus vont quitter lîle. Pour autant, reprendre leurs vies là où ils les avaient laissées, le souvenir de ce qu'ils ont vécu sur l'île et de ce qu'ils y ont appris en plus, ne saura pas sans difficulté. Nous pouvons alors enfin comprendre la dernière scène de la saison précédente dans laquelle un Jack abattu confie à Kate qu'il veut plus que tout retourner sur l'île. La boucle est bouclée. Les téléspectateurs remettent les pièces du puzzle en place, Lost na jamais été aussi passionnante. Pour autant, des questions subsistent et promettent de nouveaux moments d'exaltation. Car, qui n'a jamais frissonné en entendant les fameux "tadadam... tadadam... TADADAM... TADAAAAAAAAAAAAA DAM" qui ponctuent chaque révélation ?! En tout état de cause, avec des qualités scénaristiques et de réalisation indéniables, Lost saffirme comme étant la série de ce début de siècle. |