Ma note pour ce film: 2,5/ 4. A une époque où nous sommes bombardés dimages chocs à tel point que nous en sommes presque blasés, Shyamalan redonne aux images une certaine valeur. Au mot « peur », mon dictionnaire donne la définition suivante: « sentiment de forte inquiétude, dalarme en présence ou à la pensée dun danger, dune menace ». Dans Saw, on perd de vue ce qu'est réellement la peur, comme si on ne pouvait rien ressentir à partir du moment où le sang ne gicle pas et où les personnages ne se font pas étriper. Les images ne provoquent plus la peur mais plutôt du dégoût, car le danger, le risque est devenu certitude. On assiste ainsi à une sorte de surenchère malsaine de violence gratuite. Shyamalan fait tout linverse, il revient aux fondamentaux, à la peur réelle, basique, primaire même. Il avance à contre-courant. A une époque où le cynisme est de rigueur, il croit encore en lamour. Son uvre fait preuve dun certain lyrisme et elle est donc parfois pathétique. Le nouveau Shyamalan est-il réellement linfâme navet annoncé ? Peut-être bien mais en réalité, jai du mal à comprendre ce que lon reproche au réalisateur de Sixième Sens et Incassable. Là où dautres se seraient servis du sujet pour livrer un message écolo empli de bons sentiments hypocrites, Shyamalan sait rester intègre, il prend des risques et fait une nouvelle fois le choix du respect du public. Alors quil aurait pu faire quelque chose de beaucoup plus facile (et rentable), il nous livre un film simple et sincère. Il réussit à chaque fois à mettre en scène avec beaucoup de sensibilité et dintelligence des spectacles subtils: Shyamalan est un réalisateur au service de ses films. Dès lors, on ne peut quapprécier la sincérité de sa démarche ainsi que sa propension à nous transmettre sa passion pour des histoires qui, dune part, ont un sens et quil sait dautre part raconter à la perfection. Le Jour dAprès ou Je suis une légende relèvent d'avantage dun jeu de séduction des spectateurs à grand renfort deffets spéciaux et scènes apocalyptiques et pourtant Phénomènes s'avère être bien plus angoissant. Dailleurs, l'idée de départ est ici absolument fascinante, cest ce quil en fait qui lest certainement moins. Car si dans Phénomènes la nature se rebelle et se révèle redoutable en ennemie insaisissable, leffet recherché par le réalisateur nest pas toujours atteint. Il est, pour le coup, assez maladroit. On le sent par exemple embarrassé par lhistoire damour quil a lui-même créée entre les deux personnages principaux et dont on a par ailleurs des difficultés à saisir lintérêt. Au final, la sauce ne prend pas, on ne ressent pas toujours la panique des personnages et certains des effets employés par le réalisateur finissent par tomber à leau. Cest sans doute quavec Phénomènes, Shyamalan séloigne de trop de ce qui fait habituellement la force de ses films. Pour commencer, le film ne comporte pas de twist final, ce qui nest nullement gênant. Ensuite, la peur et la tension résident habituellement dans ses films moins dans des images chocs que dans des situations. Or, elle est ici beaucoup plus explicite puisque la scène du double meurtre des enfants vient contredire cette règle. La violence n'est plus seulement suggérée. Mais le plus gênant reste certainement lexistence de séquences purement explicatives alors que le réalisateur a pour habitude de procéder par sous-entendus. Il choisit sur ce point la facilité avec des scènes telles que la réunion des professeurs ou encore celle de lémission de télévision par le biais de laquelle un scientifique tente d'expliquer le « phénomène ». Ces scènes constituent autant de coupures dans la continuité du récit et dans la tension qui devrait y régner. Une nouvelle fois, le film est trop explicite et nous mâche le travail. Pour finir, la menace est mal présentée et elle est dautant plus difficile à saisir quelle semble nobéir à aucune logique. Cette absence de règle est très déroutante même si elle ajoute dans le même temps à la tension de lhistoire en donnant lillusion que tout peut basculer à tout moment. Finalement, à limage de son affiche, Phénomènes est la plupart du temps insipide. Mais il reste pourtant de très bonnes choses dans ce film bancal. On retrouve tout le génie de Shyamalan et la puissance de ses idées dans la scène du chantier par exemple qui est excellente. Lensemble du passage se déroulant chez la vieille ermite est flippant et le dénouement est également très bon. La « maison test » est un symbole fort de lhomme contournant les lois de la nature en cherchant à senfermer dans un monde artificiel. Dès lors, il convient de se demander si Phénomènes est un navet avec deux bonnes idées qui se courent après ou alors un bon film qui n'échappe pas à quelques erreurs de parcours. Je choisis la deuxième option : subtil mais inégal. |